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mercredi 7 septembre 2016

Comment l’Occident exporte ses troubles mentaux

Une psychiatrie mondialisée.

Chaque culture a sa façon d’exprimer la souffrance psychique. Mais la médecine occidentale impose de plus en plus son répertoire de symptômes et les traitements qui vont avec. Le journaliste Ethan Watters en donne la preuve par la dépression et le stress posttraumatique.

En ces temps de mondialisation, nous devrions être sensibles aux différences locales et y attacher de la valeur. Et savoir que toutes les cultures n’ont pas la même conception de la psychologie humaine est crucial dans l’approche de la santé et de la maladie mentale.

Ainsi, un Nigérian peut souffrir d’une forme de dépression propre à sa culture, qu’il décrira par une sensation de brûlure dans la tête, alors qu’un paysan chinois parlera simplement de douleurs à l’épaule ou à l’estomac. Et une étude auprès de réfugiées salvadoriennes traumatisées par une longue guerre civile a montré que certaines d’entre elles ressentaient ce qu’elles appellent des calorías, une sensation de chaleur corporelle intense.


Les psychiatres et les anthropologues médicaux qui étudient la maladie mentale dans différentes cultures ont constaté depuis longtemps que les troubles mentaux n’étaient pas uniformément répartis dans le monde et ne se manifestaient pas partout de la même façon. Malheureusement, aux Etats-Unis, pays qui domine le débat international sur la classification et le traitement des pathologies, les professionnels de la santé mentale font souvent peu de cas de ces différences. Pis, les pathologies mentales s’uniformisent à un rythme vertigineux.

mardi 2 août 2016

La fin du sublime

Un monde qui parvient à sublimer est un monde qui prend une forme, qui n’est pas informe comme l’actuelle confusion générale destine le nôtre à l’être.
Ce que Freud a posé, c’est que la sublimation n’était pas l’envers de la répression, mais un agir, presque un instinct de beauté.
Dans nos sociétés agitées par les pulsions, la sublimation semble en voie de disparition, au profit du déni et du passage à l’acte.
Anne Dufourmantelle, 
Philosophe et psychanalyste  



 La sublimation a vécu. La pulsion a trouvé un regain de toute-puissance dans un monde qui ne supporte aucune limite pour la satisfaire. Immédiateté, vitesse, fluidité appellent une société sans frustration ni délai. Que ce soit dans l’espace public (les actualités, les faits divers, la pornographie normative, les attitudes «décomplexées») ou sur le divan (patient déprimé, désaxé, agité par les pulsions qui ne trouvent pas une voie féconde en lui, déversées dans ses «humeurs» ou refoulées dans le meilleur des cas jusqu’au retour plus ou moins violent de ce refoulé), la société post-industrielle et post-traumatique de l’après-guerre admet mal qu’on «sublime». Tout ce qui attente à l’envie immédiate est perçu comme un obstacle. Il faut au sujet narcissique un champ opératoire simple et direct à ses pulsions, sinon, il se déprime. La frustration n’est plus supportable, trouvons-lui donc sans cesse de nouveaux objets à ses appétits. L’abstraction, le style, la précision sont passés à l’ennemi, toutes ces choses nous «ralentissent». On ne possède pas un livre, ce n’est ni un investissement ni un instrument ; la lecture prend du temps, et ne produit rien d’autre qu’une capacité accrue à rêver et à penser. On lui préférera des bribes de textes glanés sur le Net qui livreront au plus vite possible l’information ad hoc. L’absence de style dans les productions culturelles est aussi préoccupante que le sont les vies sous pression, moroses et fonctionnelles - tellement plus nombreuses que des vies habitées, voulues.

dimanche 8 novembre 2015

"La médecine sauve des vies, la psychanalyse des existences"


  Elisabeth Roudinesco


Le Vif/L'Express : Comment peut-on "analyser" Sigmund Freud aujourd'hui ?

 Elisabeth Roudinesco : Freud est l'un des grands intellectuels du XXe siècle, il a été autant critiqué qu'adulé. Son oeuvre n'appartient plus seulement au milieu psychanalytique. A l'instar de Charles Darwin ou de Victor Hugo, Freud est universel. Il a voulu changer le monde, il a créé, au début du XXe siècle, "la révolution du sens intime", une méthode pour se connaître soi-même et pour comprendre son inconscient. Sa méthode est l'équivalent de tous les grands mouvements d'émancipation, comme le socialisme, le féminisme ou le sionisme. La théorie de Freud a bien réussi. Sa pensée est à la source de multiples branches ; de nombreuses écoles se sont créées. Tout au long du XXe siècle, Freud a également suscité un nombre inimaginable de rumeurs, de querelles et d'images caricaturales qui allaient à l'encontre de la légende rose. Dans son livre Le crépuscule d'une idole, encensé par certains journaux, le philosophe Michel Onfray a présenté Freud comme un monstre, un incestueux, un avorteur, trompant sa vie durant sa femme avec sa belle-soeur. Je déplore que les médias érigent en "idoles" des gens peu sérieux qui ont des théories complotistes. Freud fait partie de ces personnages sulfureux sur qui on écrit n'importe quoi. Comme on a écrit n'importe quoi sur Einstein : ce n'est pas lui qui aurait inventé la théorie de la relativité, mais sa femme, etc.

mercredi 17 juin 2015

Plus de place pour la culture en milieu psychiatrique

Fresque Atelier de l'Arbre Rose
Vertical Détour et Ville Evrard.

Dans un Communiqué rendu public ce matin, "L’hôpital psychiatrique de Ville-Evrard met fin à la fabrique artistique créée et animée par l’auteur et metteur en scène Frédéric Ferrer",  la compagnie Vertical Détour dénonce : "L’établissement Public de Santé de Ville-Evrard (Neuilly-sur-Marne) a décidé de ne pas renouveler sa convention avec la compagnie de théâtre Vertical Détour qui a créé et anime depuis 10 ans la fabrique des Anciennes Cuisines, un lieu de création et de résidences, soutenu par la Région Ile-de-France et le Ministère de la Culture – Drac Ile-de-France notamment, qui a accueilli de nombreux artistes émergents en théatre, danse et arts de la rue et organise des activités avec les malades et personnels de l’établissement."

Frédéric Ferrer vient d'adresser Une Lettre Ouverte aux personnels et patients de l’hôpital de Ville-Evrard.

Il y déclare :

"Cette décision signifie la fin d’une expérience originale et singulière, dans le paysage théâtral français, d’un lieu de création dirigé et animé par une compagnie de théâtre professionnelle au coeur d’un hôpital psychiatrique.


Cette décision signifie la fin d'un lieu de résidences qui a accueilli depuis 2005 de très nombreux artistes et équipes de création en théâtre, danse, et arts de la rue, notamment les trois compagnies accueillies sur des résidences longues, très engagées elles aussi dans le fonctionnement de La Fabrique, la Compagnie PM dirigée par Philippe Ménard, la Compagnie N°8 dirigée par Alex Pavlata, et la compagnie De(S)amorce(S) dirigée par Thissa d’Avila Bensalah1. La présence des artistes aux Anciennes Cuisines permettait d’organiser de nombreuses rencontres avec les personnels et les patients de l’hôpital et donnait sens aux actions et échanges que nous mettions en oeuvre à leur intention.

Cette décision signifie la fin des chantiers d’été, ateliers de jeu, d’écriture, de réalisation, stages de danse, lectures en pavillon, initiatives envers les enfants… que nous avons mis en oeuvre avec les patients et personnels depuis 2005 en partenariat avec les différents secteurs et services de soins avec lesquels nous travaillons.

Cette décision signifie la fin de l’utopie d’un espace artistique de création, de liberté, de rencontre et d’échange au coeur même de l’hôpital. Un « asile » culturel, tout près des chambres et des couloirs, pour questionner le monde ou prendre un café.

Cette décision signifie la fin d'un lieu qui permettait de porter un autre regard sur l’hôpital, sur ces espaces souvent considérés, et de plus en plus aujourd’hui, comme des lieux de l’enfermement, de la relégation, de l’étrangeté. Pourtant, un tel lieu, ouvert sur l’extérieur, accueillant des spectateurs venus à l’hôpital pour y voir des répétitions ou un spectacle, était un défi à tous ceux qui stigmatisent aujourd’hui encore la maladie et la folie, et veulent dresser de toutes parts de nouvelles barrières.

Cette décision signifie la fin de la tentative, artistique et sensible, que nous avons voulu mener visant à questionner le patrimoine architectural exceptionnel de Ville-Evrard, mémoire de plus d'un siècle de psychiatrie française et d'internement asilaire, ayant accueilli entre autres des artistes comme Camille Claudel et Antonin Artaud. (..)

Cette décision nous afflige. Nous ne la comprenons pas."



L'atelier du Non-Faire et Maison Blanche