mardi 2 août 2016

La fin du sublime

Un monde qui parvient à sublimer est un monde qui prend une forme, qui n’est pas informe comme l’actuelle confusion générale destine le nôtre à l’être.
Ce que Freud a posé, c’est que la sublimation n’était pas l’envers de la répression, mais un agir, presque un instinct de beauté.
Dans nos sociétés agitées par les pulsions, la sublimation semble en voie de disparition, au profit du déni et du passage à l’acte.
Anne Dufourmantelle, 
Philosophe et psychanalyste  



 La sublimation a vécu. La pulsion a trouvé un regain de toute-puissance dans un monde qui ne supporte aucune limite pour la satisfaire. Immédiateté, vitesse, fluidité appellent une société sans frustration ni délai. Que ce soit dans l’espace public (les actualités, les faits divers, la pornographie normative, les attitudes «décomplexées») ou sur le divan (patient déprimé, désaxé, agité par les pulsions qui ne trouvent pas une voie féconde en lui, déversées dans ses «humeurs» ou refoulées dans le meilleur des cas jusqu’au retour plus ou moins violent de ce refoulé), la société post-industrielle et post-traumatique de l’après-guerre admet mal qu’on «sublime». Tout ce qui attente à l’envie immédiate est perçu comme un obstacle. Il faut au sujet narcissique un champ opératoire simple et direct à ses pulsions, sinon, il se déprime. La frustration n’est plus supportable, trouvons-lui donc sans cesse de nouveaux objets à ses appétits. L’abstraction, le style, la précision sont passés à l’ennemi, toutes ces choses nous «ralentissent». On ne possède pas un livre, ce n’est ni un investissement ni un instrument ; la lecture prend du temps, et ne produit rien d’autre qu’une capacité accrue à rêver et à penser. On lui préférera des bribes de textes glanés sur le Net qui livreront au plus vite possible l’information ad hoc. L’absence de style dans les productions culturelles est aussi préoccupante que le sont les vies sous pression, moroses et fonctionnelles - tellement plus nombreuses que des vies habitées, voulues.

mardi 5 avril 2016

NON A LA LIQUIDATION DE LA PSYCHIATRIE DE SECTEUR !


Il est impératif que dans sa formulation le décret ne détruise pas la possibilité de poursuivre une psychiatrie à visage humain.
Une loi qui rappellerait les valeurs de fraternité et d’hospitalité fondatrices d’une approche humaine et ouverte, rejetant les logiques de tri qui rejettent déjà un grand nombre de patients à la rue ou en prison.  

Le Collectif des 39 a pris connaissance des nouvelles dispositions de la loi de Santé votée le 17 Décembre 2015 et en particulier de l’article 69 précisant la mise en place des Groupements Hospitaliers de Territoire. Cet article 69 non spécifique de la psychiatrie, vient pulvériser les illusions que le ministère avait pu semer pour faire croire qu’il préserverait la politique de secteur. Il va de fait restructurer sous prétexte de modernisation l’ensemble du tissu hospitalier (psychiatrie et MCO) dans un but évident de coupes budgétaires drastiques.

Nous rappelons que notre Collectif soutient le projet d’une psychiatrie fondée sur des valeurs d’hospitalité pour la folie. Nous avons tenu avec les CEMEA dans cette intention des Assises de la psychiatrie et du médicosocial en 2013, et nous avons participé à toutes les discussions initiées par le député Denys Robiliard chargé de mission pour la psychiatrie par Marisol Touraine. Nous avions lors d’un meeting réunissant 600 personnes le 1° Novembre 2014 à Montreuil, rappelé que le projet de loi était très loin des attentes exprimées lors des Assises par les professionnels, les patients et les familles. Nous aurions souhaité une loi-cadre en psychiatrie rappelant les spécificités de ce champ qui ne saurait se réduire à une approche biologique, mais suppose une ouverture vers les sciences sociales, la psychanalyse et la psychothérapie institutionnelle. Et plus généralement toute approche qui permette de penser et de prendre soin de la complexité de la vie psychique.

dimanche 8 novembre 2015

"La médecine sauve des vies, la psychanalyse des existences"


  Elisabeth Roudinesco


Le Vif/L'Express : Comment peut-on "analyser" Sigmund Freud aujourd'hui ?

 Elisabeth Roudinesco : Freud est l'un des grands intellectuels du XXe siècle, il a été autant critiqué qu'adulé. Son oeuvre n'appartient plus seulement au milieu psychanalytique. A l'instar de Charles Darwin ou de Victor Hugo, Freud est universel. Il a voulu changer le monde, il a créé, au début du XXe siècle, "la révolution du sens intime", une méthode pour se connaître soi-même et pour comprendre son inconscient. Sa méthode est l'équivalent de tous les grands mouvements d'émancipation, comme le socialisme, le féminisme ou le sionisme. La théorie de Freud a bien réussi. Sa pensée est à la source de multiples branches ; de nombreuses écoles se sont créées. Tout au long du XXe siècle, Freud a également suscité un nombre inimaginable de rumeurs, de querelles et d'images caricaturales qui allaient à l'encontre de la légende rose. Dans son livre Le crépuscule d'une idole, encensé par certains journaux, le philosophe Michel Onfray a présenté Freud comme un monstre, un incestueux, un avorteur, trompant sa vie durant sa femme avec sa belle-soeur. Je déplore que les médias érigent en "idoles" des gens peu sérieux qui ont des théories complotistes. Freud fait partie de ces personnages sulfureux sur qui on écrit n'importe quoi. Comme on a écrit n'importe quoi sur Einstein : ce n'est pas lui qui aurait inventé la théorie de la relativité, mais sa femme, etc.

vendredi 18 septembre 2015

Psychiatrie : NON A LA CONTENTION :Pétition

La sangle qui attache tue le lien humain qui soigne
 
 
Ces pratiques de contention physique d’un autre âge se déroulent quotidiennement dans ce pays. Ces pratiques dégradantes avaient quasiment disparu. Or les contrôleurs généraux des lieux de privation de liberté, Jean marie Delarue puis Adeline Hazan, l’ont constaté, elles sont désormais en nette augmentation, qui plus est banalisées comme des actes ordinaires.


Dans le projet de loi « de modernisation du système de santé » on lit même que ces actes auraient des vertus thérapeutiques !


Nous l’affirmons : Ces actes ne soignent pas.
 
Nous soignants, patients, familles, citoyens ne pouvons accepter que ces pratiques perdurent.

Les patients qui les ont subies en témoignent régulièrement, elles produisent un traumatisme à jamais ancré dans leur chair et dans leur cœur.

Dire non aux sangles qui font mal, qui font hurler, qui effraient plus que tout, c’est dire oui :

- C’est dire oui à un minimum de fraternité.
- C’est remettre au travail une pensée affadie, devenue glacée.
- C’est poser un acte de régénérescence.
- C’est trouver et appliquer des solutions humaines à des comportements engendrés par d’énormes souffrances, mais qui peuvent paraître incompréhensibles ou non traitables autrement.

Or nous, nous savons que l’on peut faire autrement. Cela a été fait durant des décennies, cela se fait encore dans certains services.

Mais ce savoir faire est en train de se perdre au profit de la banalisation grandissante de ces actes de contention.

    Nous l’affirmons : accueillir et soigner les patients, quelle que soit leur pathologie, nécessite d’œuvrer à la construction de collectifs soignants suffisamment impliqués et engagés dans le désir d’écouter les patients, de parler avec eux, de chercher avec eux les conditions d’un soin possible.

Un minimum de confiance, d’indépendance professionnelle et de sérénité est à la base de ce processus.

Or le système hospitalier actuel malmène et déshumanise les soignants.

L’emprise gestionnaire et bureaucratique envahit le quotidien : principe de précaution, risque zéro, techniques sécuritaires, protocolisation permanente des actes, réduction du temps de transmission entre les soignants etc… Elle dissout petit à petit la disponibilité des acteurs de soins : comment alors prendre le temps de comprendre, de chercher du sens, de penser tout simplement que le patient, si inaccessible soit-il, attend des réponses et des solutions humaines à même de l’apaiser.

Ce contexte nuisible trouve dans la banalisation des actes de contention physique sa traduction « naturelle », expression du désarroi et/ou du renoncement.

Repenser la formation, donner de toute urgence des moyens nécessaires à cette mission complexe et difficile est la moindre des choses et ouvrirait la voie à la réinvention de l’accueil et du soin.

Pensez-y. Qui d’entre nous supporterait de voir son enfant, ou son parent proche, ou un ami, en grande souffrance, attaché, ligoté, sanglé ? Qui accepterait de s’entendre dire que c’est pour le bien de cette personne chère ? Qui pourrait accepter un tel acte alors qu’il est possible d’agir autrement ? Car il est possible d’agir autrement !

Mesdames, messieurs les parlementaires, nous savons que parfois il vous faut beaucoup de courage pour élaborer des lois qui semblent aller à contre-courant des idées reçues ! La maladie mentale fait peur. Le traitement de différentes affaires tragiques, mais totalement minoritaires, par les médias alimente cette peur. Ne pas céder à cette peur nous revient, vous revient à vous les élus du peuple.

Il nous revient d’affirmer haut et fort qu’une vision sécuritaire de la psychiatrie va à l’encontre du besoin légitime de sécurité protectrice que soignants, patients et familles réclament.

Proscrire la contention physique permettra aux patients, aux familles, aux soignants de retrouver une dignité nécessaire et indispensable pour traverser les dures épreuves de cette souffrance psychique inhérente à l’humanité de l’homme.

Rien n’est hors de portée de l’intelligence humaine ! Mesdames, messieurs les parlementaires ne laissez pas les patients soumis à des traitements qui ne sont pas des soins !

Signez la Pétition :